Littérature péruvienne

De la tradition orale des peuples précolombiens à la création d’une identité péruvienne.

 

La tradition exclusivement orale des Incas

Teatro quechua Aollantay, foto de martin chambi, 1930

L’empire Inca n’utilisait pas d’écrit, et la littérature a donc fait son apparition sur le territoire péruvien avec l’arrivée des colons espagnols au XVIe siècle. La seule manière d’inscrire des informations était le quipu, un ensemble de cordes nouées selon une méthode codifiée bien précise. Il ne suppléait pas vraiment l’écriture, mais servait à matérialiser des données chiffrées concernant l’économie et la population du vaste territoire impérial, pour permettre aux courriers de transmettre les indications de gestion données par la capitale.

Les œuvres de narration inca quant à elles ont disparu sans laisser de trace quand la tradition orale ne s’est plus perpétuée, avec les interdictions des manifestations de la culture inca par les colons. Ces récits, malheureusement quasiment tous oubliés de nos jours, étaient transmis par les amautas, sages chargés d’éduquer les nobles de la cour, de conseiller l’empereur et de réciter les grands mythes fondateurs à l’occasion de l’Inti Raymi. On n’a plus accès qu’à l’oeuvre magistrale Ollantay, grâce à sa rédaction par le missionnaire dominicain espagnol Antonio Valdés en 1770, qui brossa une grande fresque mythologique sur la cosmogonie inca.

 

Chroniques péruviennes et influences européennes de la colonisation

Commentaires royaux inca Garcilaso Vega

Les premiers textes écrits au Pérou sont l’œuvre des élites éclairées venues d’Espagne, notamment le clergé et la noblesse. En 1584, la seule imprimerie du continent, installée à Lima, publie le premier livre traduit en espagnol, quechua et aymara : Doctrina christiana y catecismo para instrucción de los Indios d’Antonio Ricardo.

Le premier mouvement littéraire original péruvien s’attache à relater la colonisation sous la plume de ses témoins, dans un genre littéraire appelé la chronique. C’est Inca Garcilaso de La Vega  qui est souvent considéré comme le premier grand écrivain péruvien. Ses Comentarios reales de los Incas, publiés en 1609, offre son point de vue de métis, fils d’une princesse inca et d’un colon espagnol. Felipe Guamán Poma de Ayala dénonce quant à lui avec plus de virulence la brutalité de cette colonisation dans la Nueva Corónica y buen gobierno  publiée en 1615, et dont les célèbres gravures fournissent de précieuses informations sur l’époque.

Le lien entre le vice-règne et le royaume d’Espagne reste très étroit, et les courants littéraires européens influencent les auteurs péruviens, du très baroque Juan Espinosa Medrano au penseur des Lumières Pablo de Olavide. On retrouve aussi le genre picaresque dans Lazarillo d’Alonso Carrió de La Vandera, premier roman péruvien qui sort en 1773 à Lima.

 

Romantisme et réalisme lors de l’indépendance au Pérou

Luis Eduardo Valcarcel

Au moment de la proclamation d’indépendance du Pérou en 1821, le romantisme a son porte parole péruvien en la personne du militant Mariano Melgar, qui revisite les traditionnels yaravís, chants d’amour précolombiens. Suivant cette remise à l’honneur du patrimoine indigène péruvien, Ricardo Palma publie à partir de 1872 la vaste compilation de contes et légendes intitulée Tradiciones peruanas. On assiste à la même époque à la naissance d’un nouveau courant littéraire, le costumbrismo,  qui met en scène le folklore populaire, dans des pièces comme El Sargento Canuto de Manuel Segura.

Les influences du réalisme donnent une inflexion plus militante et sociale à la narration des  traditions indigènes. Ainsi, la libre penseuse Clorinda Matto de Turner dénonce sévèrement les exactions commises à l’encontre des populations natives dans ses romans, dont Aves sin nido publié en 1889. Plus politisé, le syndicaliste anarchiste Manuel González Prada fait le procès des excès de pouvoir de la noblesse et du pouvoir dans Horas de lucha publié en 1908.

 

La création d’une identité littéraire originale, entre modernisme

Indigénisme et politisation

Jose Carlos Mariategui, 1929

César Vallejo est le plus connu des poètes péruviens. Issu d’un milieu rural métis et humble, il vivifie les influences modernistes un peu formalistes de l’avant-garde parisienne, et crée un style original marqué par l’angoisse existentielle dès son recueil de 1919 intitulé Los Heraldos negros.

César Moro et Adolfo Westphalen importent le courant européen du surréalisme avec leur revue littéraire El Uso de la palabra lancée en 1938.

Abraham Valdelomar, qui fonde la revue éphémère d’avant-garde Colónida en 1919, influence toute une génération de conteurs par ses nouvelles savoureuses dédiées aux villes de province du Pérou. Il anticipe ainsi sur la naissance du courant littéraire indigéniste qui marquera tout le siècle par sa défense de la culture indigène.

En 1920, Luis E. Valcárcel et José Uriel García fondent le groupe du resurgimiento. Archéologues et savants, ils écrivent de nombreuses études scientifiques pour valoriser la culture précolombienne. Valcarcel, déjà fondateur de l’Institut Historique de Cusco en 1913 pour lutter contre le pillage massif du patrimoine péruvien, œuvre inlassablement à la diffusion des richesses précolombiennes à Cuzco, avec la création du premier musée Inca en 1923, la revue Amauta, les fouilles du site de Sacsayhuaman et le premier institut d’archéologie de l’université. Il défend en même temps les traditions des communautés indigènes andines et amazoniennes, et sera le précurseur des études ethnologiques au Pérou et le promoteur des langues natives.

Ce courant indigéniste aura un impact long et important sur tous les genres de la vie littéraire péruvienne. On peut citer Enrique López Albújar qui décrit la vie quotidienne le monde rural dans ses Cuentos andinos publiés en 1920. Mais c’est peut être le style de José María Arguedas qui se démarque le plus, en offrant dans Los Ríos profundos publié en 1956 une fascinante initiation aux rites et traditions andines qui ont bercé son enfance.

Dans une veine plus politisée, José Carlos Mariátegui, fondateur du Parti communiste péruvien, propose dans ses Siete ensayos de interpretación de la realidad publiés en 1928 de revenir à l’organisation sociale collective inca, pour sortir du système féodal inégalitaire. Il sera cité par les guérilleros maoïstes du Sentier lumineux des années 1980. Autre militant important, Ciró Alegría est plusieurs fois emprisonné et exilé pour son appartenance à l’APRA (Alliance populaire révolutionnaire américaine), et évoque l’oppression exercée par les grands propriétaires fonciers et l’armée sur les communautés indigènes dans El mundo es ancho y ajeno publié en 1941.

 

Le réalisme urbain et le boom latino-américain

Plaque César Vallejo

Après s’être longtemps concentrée sur les campagnes, la scène littéraire péruvienne prend pour objet la société urbaine, notamment de Lima, travaillée par les tensions et la misère issus de l’exode rural andin. Julio Ramón Ribeyro publie en 1955 les nouvelles néo-réalistes de Los Gallinazos sin plumas, où des anti-héros se perdent dans l’absurdité et la violence d’une société qui les rejette. Sebastián Salazar Bondy met en scène en 1964 ce déracinement identitaire dans l’essai social intitulé Lima la horrible, qui prend place dans un bidonville de la capitale. Ce courant du réalisme urbain est ponctué par des résurgences de néo-indigénisme, avec qui il partage le même engagement social.

Les années 1960 voient l’explosion d’une véritable révolution littéraire au Pérou, en résonance avec les tensions accumulées entre contestataires de gauche et dictatures militaires de la région. Figure de proue de cette période de forte création, Mario Vargas Llosa est récompensé en 2010 par le Prix Nobel pour son œuvre bouillonnante, qui s’écarte des canons de l’indigénisme et du réalisme magique, en puisant dans une inspiration fortement autobiographique. Défait par Fujimori aux élections présidentielles de 1990, il laisse un patrimoine incontournable dans son pays, avec La Ciudad y los perros publié en 1963 d’après ses souvenirs de l’Académie militaire de Lima,  La Tía Julia y el escribidor en 1977 à partir de son mariage controversé avec sa tante par alliance ou encore Conversación en la catedral en 1969, sur la dictature du général Odría.

Beaucoup des auteurs reconnus de la nouvelle scène littéraire péruvienne partagent une vision assez désabusée de la vie politique péruvienne, entachée de corruption et d’injustice sociale. Alfredo Bryce-Echenique, vainqueur du Prix hispanophone Planeta en 2002, critique ainsi avec un humour acerbe une société péruvienne inégalitaire dans Un mundo para Julius  publié en 1970. Alfredo Pita décrit quant à lui finement le fossé qui sépare les idéaux révolutionnaires des exilés et la vie quotidienne du pays, dans El Cazador ausente publié en 1994, vainqueur du Prix international du roman au Salon du Livre Latino-américain de Gijón. De jeunes auteurs se forgent un style noir et acéré pour donner un relief saisissant à des scènes de la vie quotidienne. Félix Terrones excelle à tisser le présent et l’imaginaire, relevés d’un je-ne-sais-quoi envoûtant, dans ses micro-nouvelles El Viento en tu cara comme dans son très récent Ríos de ceniza .

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